vendredi, avril 18, 2008

Lucian Freud, peint

(Notes pour après)





Lucian Freud / autoportrait

Si j’ai peu d’affinité avec le rendu (non avec le thème, le genre) au moins, lui, peint, et s’il peint, je peux, apprendre. Quand on regarde, si c’est peint, quelque chose reste, ne s’en va pas. Ce n’ est jamais très conscient. Si c’est peint quelque chose ne s’efface pas. La peinture doit nous ravir ; c’est sa loi. On oublie bien sûr, mais ce n’est que nappe percée. Ce n’est pas le souvenir qui fait retour mais le corps lui-même. "Corps comme troisième."

On ne peint pas seul, c’est-à-dire en soi. C’est aussi sa loi. Jamais très conscient, on le sait pourtant et on ne sait pas pourquoi. Un rêve : Aude qui me parle, un torse, le nacré des peaux blanches, « nous avions une façon d’être à l’heure». Ce matin, j’avais ça en tête : « jamais ne pourra se soumettre aux desseins de Procuste ». Je ne savais plus comment continuer avec les études pour le tableau. Une erreur qui dure trois jours c’est beaucoup. Çà c’est en soi. Donc Lucian :

J’ai trouvé la photo par hasard, mais elle m’attendait. Entre cette femme couchée sur des draps blancs et le tableau de Lucien, qui lui à gauche nous regarde : une brèche ce que j’avais rêvé venait résonner sur la toile ou la photo ou le corps nu de cette femme; il faut dire que j’ai beaucoup parlé avec Aude.

Il n’y a pas de modèle. C’est un corollaire des lois précédentes.

Maintenant je me souvenais que la veille j’avais vu un nu de Lucian qui m’avait fait ajouter à l’intérêt pour son travail, l’agrément. Chatouillement.

Lucian, lui ne va pas de main morte. Il fonce dans l’empâtement, la traînée est raide, lourde, sans façon ; ces teintes sont souvent délavées, sales, brouillées et pourtant quand on croit tout perdu, il sauve à distance… la lumière. Cela n’est pas sans rappeler le Titien de dernières années, songez à son Apollon et Marsyas. Mais c’est encore plus apparenté à certains portraits et autoportraits de Rembrandt, je pense en particulier à celui de cette vieille femme, une religieuse, la tête couverte par un capuchon, qui lit : la lumière réfléchie du visage, des larges touches sèches, la mixture est visible : des ocres non désaturés là, désaturés au-dessus : une traînée de gris pour représenter le cyan. Mais il y a aussi cet autoportrait



Rubens et plus gracieux, moins sec, plus vif, les tons plus diaprés, il n’empêche, les tableaux de Lucien nous laissent avec le soupçon : histoire du cousin éloigné, flamand, dont on ignorait tout jusqu’au jour de la lecture du testament… C’est un écho des tous les instants qui vient du fait d’acquiescer à la lumière sans passer par le glacis.






Au mois lui, peint. Il n’adoucit pas la touche, Lucian. A bad man. C’est rude. Sec. Il ne poudroie pas. Il provoque les courbes… il nous laisse ça. Finalement c’est par le chromatisme que la raideur s’infléchit, mais pour que cela se fasse il faut qu’à nouveau il y ait sensation, et là ce n’est plus le tableau, c’est nous. Lui, Lucian, il nous donne ça.










Il suffit de s’éloigner un peu, ce qu’il n’a pas peint, apparaît, le seuil de son art, rentre dans l’espace, il nous laisse ça Lucian, la synthèse. C’est pour cela qu’on ne l’oublie pas. C’est un moment de nous-mêmes. Ce n’est pas très difficile d’aviser que pour lui c’est un éclat, il nous le transmet, non dans le tableau mais dans l’espace. Dans la rencontre. "Corps comme troisième."

Palette : constellation. Cela ne s’invente pas. Il faut aller la chercher. L’acquérir. L’art est ce savoir…









*

mardi, avril 15, 2008

rêve, Rubens: poème, extrait

*




P. P. Rubens : Rapt des filles de Leucippe




...

attendre l’épissure : ce sont les mêmes couleurs dans la vie

puis

montrer la phrase qui sombre

que du rayon

le claire

pour l’empâtement

à l’arrêt

danse


reçue non-reçue

dissoute par le nu

la lumière

comme toi

offerte

multiple

sans


se nouera


lumière deux fois moins intense qu’en été

deux fois plus brève qu’en été

mais laissant au cadran

le lin vers midi


il est dit que l’on puise dans ces mêmes couleurs quand on rêve

(Hernan L. Toro: rêve, Rubens/ extrait)




Je viens d'écouter :

http://www.oasis-tv.net/jsp/fiche_video.jsp?STNAV=&RUBNAV=&CODE=1115381456678&LANGUE=0#
La couleur chez Rubens
Nadeije Dagen-Laneyrie
Professeur d'Histoire de l'Art à l'Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm à Paris





A lire:

Jacqueline LICHTENSTEIN : La couleur éloquente: rhétorique et peinture à l'âge classique. Philosophiquement suspecte à cause de son caractère matériel, moralement coupable en raison de son éclat séducteur, la couleur a longtemps été jugée dangereuse: source de plaisir et d'une beauté qu'on ne sentait pas raccordable au vrai et au bien.












*